mercredi 12 septembre 2012

C comme corrida

Le terme de corrida ne semble remonter qu'à 1804, preuve s'il en était besoin que c'était mieux avant. Il est issu du verbe espagnol "correr", courir, quoiqu'il paraisse bien peu envisageable pour le torero de gambader avec un pantalon auprès duquel les slims des lycéennes, qui enfreignent pourtant sans vergogne les Conventions de Genève contre la torture, font figure de vêtements flous.
La corrida consiste donc à poursuivre un taureau pour le cribler de piques et lui faire perdre la moitié de son sang dans le sable avant que de l'achever. Il paraît que c'est très beau, très allégorique et que ça met en valeur la virilité des hommes qui ont un tout petit cul adapté aux pantalons sus-mentionnés.
Soit.
Si tu vas par là, le roulement de tambour des galères et les muscles saillants des esclaves attachés à leur rame c'est ce qu'on fait de mieux en matière de sports nautiques esthétisants. Et l'étripage des femmes enceintes par les khmers rouges relevait de la performance artistique. C'est juste que les gens n'ont pas de goût et ne savent pas voir le beau. L'actualité littéraire récente prouve assez qu'il est possible d'écrire n'importe quelle ineptie sans perdre pour autant l'usage de ses doigts.
Comme si l'amour de ses semblables n'était pas assez menacé par la désespérante propension de l'humanité à s'abaisser aux plus fangeux replis de la barbarie et par l'imminent retour du short d'hiver, Manuel Valls, actuellement rétribué par les contribuables pour assumer les fonctions de ministre de l'intérieur, nous a gratifiés de son petit couplet tauromachiste en début de semaine. "C'est quelque chose que j'aime, ça fait partie de la culture de ma famille [...] On a besoin de ces racines, ne les arrachons pas" a-t-il crânement asséné devant un micro qui ne lui avait rien fait.
Naïvement, je croyais que le travail du politique résidait dans la résolution des problèmes de la collectivité en faisant taire les intérêts particuliers, notamment les siens et ceux de ses proches. Mais après tout, pourquoi pas ? Soyons fous, que les souvenirs de Goldorak et la recette de confiture de fraises de grand-maman guident désormais l'action politique. Si la famille de Manuel Valls apprécie la corrida, tout est dit, ce me semble. Nous avons atteint là l'achèvement parfait de la dialectique, inutile de pérorer davantage.
Quoique des esprits chagrins viendront probablement gâcher notre joie innocente à célébrer avec M. Valls les saines et belles traditions de nos terroirs, n'oublions pas le message d'espoir et d'équanimité qui nous a été délivré en début de semaine. Alors qu'effondrés, nous croyions les Cassandre de la presse qui nous dépeignaient un pays au bord du gouffre, notre ministre de l'intérieur, parfaitement affranchi de la pesanteur de l'actualité, exécute sans coup férir un splendide numéro de danse folklorique, option castagnettes. C'est beau, la responsabilité politique.

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