mardi 26 février 2013

T comme Tony (Sly)

Alors que je baguenaudais d'un pas badin et primesautier dans les méandres d'une boîte à musique en ligne, j'eus l'idée d'écouter ces vieilles fripouilles de No use for a Name qui enchantèrent ma folle jeunesse et adoucissent le début de ma vieillesse. Une envie en appelant une autre, je voulus savoir, tout en écoutant "International you day", ce que faisait en ce moment leur chanteur, ce héros du punk à roulettes au sourire si doux que, pour sa voix qui me soulève au-dessus du sol, j'eusse écouté sans pâlir n'importe quelle sous-soupe FM du moment qu'elle fut estampillée "Tony Sly".
Finalement, je n'aurai pas à endurer un mauvais album du monsieur car j'appris alors, six mois après l'évènement, qu'il n'affronterait jamais les hydres malfaisantes de la panne d'inspiration punk. Il est mort cet été. À 41 ans.
La mort et moi sommes rarement d'accord. Elle s'en moque comme de l'an 40, elle sait qu'elle aura le dernier mot et qu'elle peut nous prendre tous ceux qui nous transcendent et nous ramènent à la volupté d'être, malgré l'inanité de ce monde.
Elle peut nous prendre un Tony Sly entre deux concerts, encore heureux de gratouiller une guitare sur une scène, fidèle à son label et au faîte de ce qui ressemblerait à la gloire punk, si cette notion avait la moindre signification. La dernière image fera très bien dans l'album de l'histoire du rock.
Mais j'aurais préféré l'entendre vieillir. Même trop, même mal.

mardi 19 février 2013

H comme homme



Je veux être un homme heureux, chantait William Sheller. Moi, je veux être un homme tout court. 
Je ne suis pas sûre qu’il me reste assez d’années à vivre pour épuiser l’énumération des possibles qui s’offriraient à moi si je changeais de genre. Malgré l’ampleur de la tâche, auprès de laquelle le tonneau des Danaïdes passerait pour un chiche dé à coudre de bar parisien, je crois de mon devoir de tenter l’impossible en dressant une liste aussi partielle que douloureuse :
-          Si j’étais un homme, je pourrais mépriser les bébés, les toiser d’un air vaguement dégoûté en m’interrogeant tout haut sur les improbables raisons qui ont pu pousser un couple d’amis drôles et cultivés à renoncer à tout ce qui rend l’existence digne d’être vécue pour engendrer une larve disgracieuse et malodorante. Au lieu de quoi, mon hostilité pour les bébés me fait passer pour une créature suspecte et pour tout dire franchement dénaturée car dans notre société sexiste ( ce qui est déjà une preuve de son inanité crasse), les femmes doivent aimer les enfants. On se demande bien pourquoi.
-          Si j’étais un homme, je pourrais dire que j’aime baiser. Pas le niveau 400 du kama-sutra ou les cinq positions hardcore de la décomplexion ultime que sinon t’es qu’un has-been du pelvis, juste baiser.  La même affirmation venant d’une femme relève du suicide social.
-          Si j’étais un homme, je pourrais manger du boudin et des tripes sans que mes soi-disant semblables froncent leur nez poudré en poussant des couinements horrifiés. Parce qu’une femme, une vraie, ne mange pas, elle grignote. Et uniquement des cupcakes ou des macarons. Qui ne rêverait de passer sa vie dans la peau d’une souris anorexique en partance pour le diabète ?
-          Si j’étais un homme, en été, je ne porterais rien d’autre qu’un bermuda et des poils au lieu d’une jupe sur des jambes épilées. Parce qu’une femme se doit d’être douce. Tout le temps. Partout. Et à tous points de vue. Alors que se coltiner un statut de femme mène assez logiquement à la fureur homicide.
-          Si j’étais un homme et que je sois trompé, personne ne se demanderait si je faisais bien au lit tout ce que ma conjointe voulait ou si je ne m’étais pas un peu négligé ces derniers temps.
-          Si j’étais un homme, j’aurais le droit d’être moche et de vieillir sans qu’il devienne inconcevable de m’aimer.
-          Si j’étais un homme, j’aurais un salaire correspondant à mon poste et je ne saurais même pas ce que condescendance veut dire.
-          Si j’étais un homme, j’accèderais pleinement au statut d’être humain. Ça doit être bien.

jeudi 14 février 2013

O comme ours (polaire)



À mesure que fond la banquise, le garde-manger que des dieux un peu dérangés avaient réservé aux ours polaires se vide. Car enfin, quelle intelligence rationnelle et un peu sensible aurait imaginé de sacrifier des bébés otarie à des monstres puants et même pas capables d’entretenir correctement leur fourrure ? L’ours blanc n’est pas blanc. Il est jaune sale, tel un clochard polaire qui s’oublierait régulièrement dans son manteau après avoir ingurgité ses deux litres de Valstar. Il y a fort à parier pour que l’ours blanc pue gravement du bec mais peu de gentlemen pourront en témoigner tant le caractère épouvantable de l’animal le rend peu agréable à fréquenter. L’ours polaire est donc paré de tous les défauts les plus outrageants à notre délicatesse d’âme mais il se trouve quelques originaux pour s’émouvoir de sa probable disparition dans quelques décennies. 

Car l’ours blanc bouffe comme quatre.  Incapable d’apprécier les mets raffinés ou de tenir correctement sa fourchette en argent, le rustre bâfre dans les colonies de phoques où il n’est pourtant pas le bienvenu. On ne saurait être plus inconvenant que ce gros plantigrade malpropre qui s’invite sans vergogne chez ses voisins. Certains ours blancs qui ont l’extrême grossièreté de s’accoupler avec des grizzlis - ces derniers ne valant guère mieux - donnent naissance à des hybrides appelés grolars. Le terme se passe de commentaires.

Il resterait 20 à 25 000 de ces inconvenantes créatures, incapables de trouver un travail et d’assurer leur subsistance ailleurs que dans leur trou paumé et glacé où pas un Rotary club n’a pu subsister. Pour combler l’appétit de ces feignasses velues, des chercheurs envisagent de les nourrir, les faisant ainsi passer du statut de malotrus dépenaillés à celui d’assistés de la société. Il faudrait approvisionner ces grossiers personnages en viande de phoque pour  conserver le bien mince agrément de leur compagnie sur cette terre. 

En vérité mes amis, je m’insurge et je dis non. Qui paiera, hein, je vous le demande un peu ? Toujours les mêmes. Vous verrez qu’on nous demandera de travailler un jour de plus par an, au nom de la solidarité plantigrade. Et pendant ce temps, ces beatniks du froid fumeront du haschisch en faisant des flippers. Pas question, ne nous laissons pas faire.  Car après eux, ce sera les guépards, puis les pandas et pourquoi pas les hippopotames nains ? Non, nous n’accueillerons pas toute la misère de la biodiversité du monde. Qu’ils se mettent au boulot au lieu de dormir jusqu’à pas d’heure.

D’autant qu’une fois que nous aurons mis en place des filières d’abattage de phoque avec l’argent du contribuable, que se passera-t-il ? On retrouvera les bas morceaux dans les lasagnes surgelées que leurs réseaux nous revendront pour blanchir leur trafic de poudreuse. Qu’ils disparaissent jusqu’au dernier, les ours polaires, et leur blanc approximatif avec eux.  

Source documentaire par de vrais scientifiques : http://e360.yale.edu/feature/will_bold_steps_be_needed_to_save_beleaguered_polar_bears/2618/