samedi 5 octobre 2013

D comme dimanche

Dimanche, jour de Dieu en français, jour du soleil outre Manche (c’est de l’humour anglais), septième jour de la semaine « consacré au repos » selon le Petit Robert.

Habituellement, le dimanche est un jour non travaillé. Le code du travail dispose d’ailleurs qu’il est interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine, que le repos hebdomadaire dure au moins vingt-quatre heures et que « dans l’intérêt  des salariés » ce repos est donné le dimanche. Le même code prévoit que le demandeur d’emploi qui refuserait une offre d’emploi impliquant de travailler le dimanche ne serait pas radié des listes. Suit un article relatif aux dérogations pour les établissements dont l’activité implique de travailler le dimanche.
L’intérêt d’un code, du travail ou autre,  réside tout entier dans la clarification du droit. Ici, la partition est simple : le repos dominical constitue la règle, le travail du dimanche est l’exception. Fort malheureusement, de nos jours et à l’heure qu’il est, la simplicité n’est pas toujours gage de compréhension. Il se trouve donc quelques futés qui n’entendent manifestement pas la notion de règle et d’exception. « Han, mais si y a des gens qui travaillent le dimanche, c’est que c’est pas vraiment une règle alors. Si ça vaut pas pour tout le monde, ça vaut pour personne et c’est çui qui dit qui est ». Parmi ces ardents défenseurs de la liberté de travailler des autres, peu, probablement, seraient prêts à sacrifier leurs deux jours de repos habituels mais ne soyons pas chafouins. Tentons gentiment d’expliquer à ces infortunés pourquoi il est tout simplement ridicule et aussi un peu émétisant de défendre le travail dominical (ou le travail du soir) pour vendre des boulons, du gommage ou des rideaux :
  • La crise ne va pas disparaître comme un vilain petit nuage gris dans un ciel d’août parce que les vendeurs de Leroy Merlin travaillent le dimanche. C’est très mignon de croire cela mais c’est aussi assez stupide. Range ton petit poney en plastique made in China, non sa crinière n’est pas magique même si le gentil monsieur Gattaz te l’a offert.
  • Si l’ouverture dominicale n’est plus exceptionnelle, les salariés de ces magasins pourront s’asseoir bien copieusement sur leurs primes. Si c’est normal, pourquoi les payer davantage, je vous le demande un peu.
  • Tu peux t’abstenir de consommer certains produits un jour par semaine. Si, tu es capable, concentre-toi.  Rassure-toi, tu continues quand même à consommer même en restant chez toi (de l’électricité, par exemple), tout va bien, tu es encore vivant(e).
  • Si tu pars à Leroy Merlin le dimanche matin, tu sais très bien que tu ne commenceras pas à bosser avant l’après-midi. Ces magasins ont été conçus par des gens bien plus intelligents que toi et moi pour que tu y perdes des heures. Si tu passes outre, tu ne mérites même pas le nom de bricoleur. Un chantier se commence à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne. Fumiste.
  • Tu n’as pas besoin de parfum à dix heures du soir. Non. Si tu as tenu depuis ton lever jusque là, il n’y a pas d’urgence médicale. Tu peux attendre.  Ou te laver. 
  •  Si les magasins de boulons ouvrent le dimanche, on voit mal pourquoi on refuserait à l’honnête citoyen de vouloir acheter des timbres, des jeggings ou une râpe à fromage le même jour. Tu saisis bien l’urgence de telles emplettes. Du coup, toi aussi tu travailleras le dimanche, c’est bête, tu pourras pas acheter tes boulons ce jour-là.
  • Dans ce monde merveilleux où l’on pourrait acheter toute la semaine, tous les jours se ressembleraient. Le même rythme. Toujours. La même physionomie pour les rues , sept jours sur sept. Le même traffic routier. Les mêmes horaires. Pas de temps institué pour une pause collective, et ce, sans aucune nécessité sociale autre que le caprice de ceux dont la vie est trop vide pour souffrir un instant de contemplation. 
  •  Si tu crois vraiment être un rebelle et brandir haut les couleurs de la laïcité en supprimant le repos dominical, je te propose de passer la couche de finition en te contentant  d’un bouillon clair le soir de Noël - après avoir refusé toutes les invitations de ta famille et leur avoir clairement indiqué que pour les cadeaux ils pouvaient se brosser – et en idolâtrant un veau d’or parce que c’est interdit par la Bible.  Vas-y, sois transgressif mais bon courage pour trouver un veau, même seulement doré, chez Castorama.

Le problème mon grand, c’est qu’en décalant les temps de repos, le rythme collectif devient individuel. Il n’y a plus de repère temporel pour se retrouver soi-même et retrouver les autres, un temps de gratuité comme disent certains curés avec lesquels je suis, une fois n’est pas coutume, d’accord. Alors, ne te gêne pas, fais-la ta société où tu n’existeras que pour travailler, payer et consommer, sans réfléchir, sans attendre, sans partager, sans jamais te donner le temps du bilan.

Mais sache que tu fais bien rire ceux qui continueront à jouer au golf tous les jours de la semaine, parce que, crise ou pas, il y a sept jours des seigneurs.