mercredi 5 septembre 2012

B comme bidet

D'abord petite monnaie puis pistolet de poche ou petit âne, le bidet ne devient l'équipement sanitaire que nous connaissons qu'en 1739. Le mot mettra des décennies avant d'être considéré comme suffisamment convenable pour être écrit dans un ouvrage respectable. L'objet lui-même gagnera du terrain au cours du siècle des Lumières, qui était aussi celui de la crasse triomphante, avant que d'être proscrit par le bien-pensant et très catholique XIXe siècle. 
Je ne saurais trop vous conseiller la lecture du "Confident des dames*", passionnant ouvrage prenant prétexte de retracer l'histoire du bidet pour nous éclairer sur celle de l'hygiène. Âmes sensibles s'abstenir (celui ou celle qui me révèle le raccourci clavier pour poser un chapeau sur le A majuscule gagne une magnifique carte postale). Votre petite cervelle ravie apprendra ainsi qu'au nom de la prévention de l'onanisme, des médecins ayant pignon sur rue préconisaient l'excision des petites filles s'y adonnant ou pratiquaient sur les mêmes patientes la brûlure des parties génitales au nitrate d'argent. Ou bien que l'expression "accorder ses faveurs" vient du soin extrême que l'on portait, au XVIe siècle, à la mise en plis et à la décoration de certaines zones de pilosité.
Mais le morceau de bravoure de cet ouvrage reste une citation d'anthologie, un cri de haine à l'encontre de son genre, poussé en 1698 par un certain C.M.D. Noël dans son livre "Les avantages du sexe, ou Le triomphe des femmes, dans lequel on fait voir par de très-fortes raisons que les femmes l'emportent par dessus les hommes, & méritent la préférence**". À cette époque bénie, d'aucuns cachaient peut-être un séant d'une propreté douteuse mais les directeurs de marketing n'avaient pas encore envahi les maisons d'édition et l'auteur pouvait choisir un titre informatif sans être agressé par un crétin à chaussures pointues ou une dinde méchée lui jetant à la face leur diplôme d'école de commerce pour riche illettré. Ce brave Noël dont l'Histoire a injustement englouti le nom écrivait donc, de toute la force de sa plume courroucée : "la femme est plus propre et plus douce que l'homme parce que la nature, qui est notre mère provide, a pris un soin tout particulier de pourvoir à sa propreté. C'est pour cela qu'elle a inventé le merveilleux secret de la purifier tous les mois et de jeter au dehors, mais par voie secrète, tout ce qui peut s'y rencontrer de superflu et d'impur, au lieu que l'homme, qui n'a pas cet avantage, le rend par les pores qui se trouvent aux parties les plus apparentes, ce qui produit en lui ce teint grossier, cette crasse sordide, ce poil rebutant et cette barbe hideuse dont il est recouvert et qui ne sont autre chose que les excréments de cette chair vile et impure."

A se demander si ce garçon n'éprouvait pas une légère antipathie à l'égard de ses congénères.


 



* Le confident des dames, Fanny Beaupré et Roger-Henri Guerrand, Editions La découverte, 1997.
** A consulter pour de vrai ici

1 commentaire:

  1. Bonsoir Madame,

    Ma faim de cartes postales de goût sûr et délicat me pousse à t'indiquer qu'il s'agirait de "alt+0194". Et "alt+0192" pour l'accent grave sur le A majuscule, "alt+0193" pour l'accent aigu sur le même A majuscule. Mais cela reste à vérifier.

    Cela dit, ce passage, que tu m'avais lu, reste pétrifiant. Mais que lui avaient donc fait les immondes poilus lui servant de congénères ?

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