mardi 19 février 2013

H comme homme



Je veux être un homme heureux, chantait William Sheller. Moi, je veux être un homme tout court. 
Je ne suis pas sûre qu’il me reste assez d’années à vivre pour épuiser l’énumération des possibles qui s’offriraient à moi si je changeais de genre. Malgré l’ampleur de la tâche, auprès de laquelle le tonneau des Danaïdes passerait pour un chiche dé à coudre de bar parisien, je crois de mon devoir de tenter l’impossible en dressant une liste aussi partielle que douloureuse :
-          Si j’étais un homme, je pourrais mépriser les bébés, les toiser d’un air vaguement dégoûté en m’interrogeant tout haut sur les improbables raisons qui ont pu pousser un couple d’amis drôles et cultivés à renoncer à tout ce qui rend l’existence digne d’être vécue pour engendrer une larve disgracieuse et malodorante. Au lieu de quoi, mon hostilité pour les bébés me fait passer pour une créature suspecte et pour tout dire franchement dénaturée car dans notre société sexiste ( ce qui est déjà une preuve de son inanité crasse), les femmes doivent aimer les enfants. On se demande bien pourquoi.
-          Si j’étais un homme, je pourrais dire que j’aime baiser. Pas le niveau 400 du kama-sutra ou les cinq positions hardcore de la décomplexion ultime que sinon t’es qu’un has-been du pelvis, juste baiser.  La même affirmation venant d’une femme relève du suicide social.
-          Si j’étais un homme, je pourrais manger du boudin et des tripes sans que mes soi-disant semblables froncent leur nez poudré en poussant des couinements horrifiés. Parce qu’une femme, une vraie, ne mange pas, elle grignote. Et uniquement des cupcakes ou des macarons. Qui ne rêverait de passer sa vie dans la peau d’une souris anorexique en partance pour le diabète ?
-          Si j’étais un homme, en été, je ne porterais rien d’autre qu’un bermuda et des poils au lieu d’une jupe sur des jambes épilées. Parce qu’une femme se doit d’être douce. Tout le temps. Partout. Et à tous points de vue. Alors que se coltiner un statut de femme mène assez logiquement à la fureur homicide.
-          Si j’étais un homme et que je sois trompé, personne ne se demanderait si je faisais bien au lit tout ce que ma conjointe voulait ou si je ne m’étais pas un peu négligé ces derniers temps.
-          Si j’étais un homme, j’aurais le droit d’être moche et de vieillir sans qu’il devienne inconcevable de m’aimer.
-          Si j’étais un homme, j’aurais un salaire correspondant à mon poste et je ne saurais même pas ce que condescendance veut dire.
-          Si j’étais un homme, j’accèderais pleinement au statut d’être humain. Ça doit être bien.

3 commentaires:

  1. Tu as oublié « si j'étais un homme, je pourrais FAIRE PIPI DEBOUT ».

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  2. Quelle amertume !

    Je ne peux que compatir, mais, au moins pour ce qui est des plaisirs de la table, venez faire un tour à Rouen, nous avons un (excellent) restaurant où vous ne serez pas seule à manger des tripes (ou de la tête de veau)

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  3. Vous oubliez que le monde perçu par la femme est fait d'alizarine, de fleur de soufre, d'incarnadin et autres cuisse de nymphe parmi des dizaines d'autres nuances là où l'homme ne voit que rouge, bleu et jaune.
    Je vous laisserais bien mes poils, mes tripes et mon mépris pour les nourrissons contre votre spectre visible.
    Dîtes-moi, votre blog est fait de rose, de rose foncé et de marron n'est-ce pas?

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